L’histoire de cette boutique est intimement liée à celle de “Madame Sauviat”, comme l’appelle Kamel Hamadi, 85 ans, auteur-compositeur. Mélomane avertie, Léa Sauviat avait un magasin de disque dans le 13ème arrondissement avant d’ouvrir son enseigne boulevard de la Chapelle en 1947. Au début, comme pour la plupart des disquaires, elle vendait de la musique classique, des partitions, des disques de la chanson française… Mais très rapidement, et parce que Barbès se transformait alors en quartier des travailleurs maghrébins appelés par la France pour reconstruire le pays, elle s’intéresse aux musiques dites « orientales », comprenant rapidement que les ouvriers maghrébins du quartier peuvent constituer une vraie clientèle.
La petite histoire de cette boutique, la première à se spécialiser dans les musiques arabes, va rencontrer la grande histoire, celle de la guerre d’Algérie. En 1958, au plus fort de la guerre, le Général de Gaulle lance le Plan de Constantine, visant à valoriser l’ensemble des ressources de l’Algérie et à affaiblir le FLN. Ce plan prévoit entre autres des subventions pour les maisons de disques qui accepteraient d’enregistrer des musiques algériennes. Celles-ci souhaitant profiter de cette manne, elles engagent des directeurs artistiques maghrébins qui eux-mêmes sollicitent la personne la plus qualifiée pour repérer les artistes en vogue : c’est Madame Sauviat.
Au milieu des années 60, Léa Sauviat prend se retraite et laisse sa boutique à sa petite nièce, mariée à l’aîné des frères Pisi . Depuis cette date, les frères Pisi tiennent la boutique et perpétuent la tradition : ils ont gardé le nom de “Chez Sauviat”. Aujourd’hui la boutique a toujours pignon sur rue et continue son activité qui la rendit célèbre au cours des décennies, même si à l’heure du streaming, le nombre de clients a chuté ces dernières années.
Esprit des Lieux vous fait visiter le dernier disquaire de Barbès en compagnie de Michel Levy , distributeur de musiques arabes, Kamel Hamadi, auteur-compositeur, Zoulikha Guellil, productrice et Raoul Belaïche, journaliste et rédacteur en chef du magazine Je chante.