Le Mémorial du camp de Rivesaltes : l’architecture pour mémoire
- sam 28 janvier 2023

Espagnols fuyant la dictature de Franco et la guerre civile, Juifs persécutés par le régime de Vichy, Tsiganes, étrangers apatrides, militants du FLN, harkis, ont été ici internés ou parqués dans des conditions effroyables. Il ne reste de ce sinistre lieu d’internement qu’une multitude de baraquements en ruines, comme des vestiges témoins du destin tragiques de plus de 60 000 personnes.

Sous ce champ de ruines, l’architecte Rudy Ricciotti a conçu le Mémorial du camp de Rivesaltes, qui résume aujourd’hui les traumatismes du vingtième siècle : la guerre d’Espagne, la Seconde Guerre mondiale et les guerres de décolonisation. Ouvert en 2015, le Mémorial abrite, sous sa chape de béton de 210 mètres, des salles d’expositions et un auditorium. L’architecte a conçu ce lieu avec la volonté de “creuser pour aller chercher la mémoire enfouie, et couler le béton afin de solidifier définitivement la mémoire pour qu’elle ne s’échappe plus”.
Céline Sala-Pons, directrice du Mémorial, nous fait visiter le lieu sous un froid pinçant, dans ce vent dont la difficulté est si souvent invoquée dans les témoignages : on découvre un monolithe incliné vers le ciel, sans fenêtres, avec une seule salle d’exposition permanente qui abrite toutes les mémoires autour d’une table centrale.

Marion Decome, responsable scientifique du Mémorial, nous conte l’histoire du lieu, qui est celle des grands traumatismes de la seconde partie du vingtième siècle : construit en 1939 dans une logique militaire, le camp Joffre est rapidement transformé en camp d’internement pour les “indésirables étrangers”, comme le dicte la loi de 1938. Des “indésirables” de plus de 100 nationalités différentes seront ainsi internées au camp de Rivesaltes jusqu’en 1968.

En cet hiver 2023, le Mémorial propose une exposition consacrée au photographe Michael Kenna autour des camps de concentration pendant la Seconde Guerre mondiale. Durant la visite du lieu, le commissaire de l’exposition Michel Poivert, historien de la photographie et enseignant à l’École du Louvre, découvre le mémorial et nous livre ses premières impressions.